Un sceau de majesté de l’archiduc Maximilien et de son fils (1487) (par Matthieu Becuwe)

  Maximilien de Habsbourg (1459-1519) épouse en avril 1477 Marie de Bourgogne (1457-1482), fille et héritière de Charles le Téméraire, duc de Bourgogne. Maximilien obtient par ce mariage une bonne partie des États bourguignons qui comprend notamment la Flandre et l’Artois. La mort de Charles le Téméraire devant Nancy en 1477 a ouvert la voie de la conquête des Pays-Bas bourguignons par le roi de France. La guerre débute dès 1477 entre les troupes bourguignonnes et françaises, qui durera jusqu’en 1559.

Lors de la paix de1482, l’Artois constitue la dot de la petite Marguerite d’Autriche, fille de Maximilien et fiancée du futur Charles VIII de France. Toutefois, Saint-Omer obtient de rester neutre en s’administrant par leurs Trois Etats, jusqu’à la consommation des noces. Le conflit reprend presque aussitôt, et une guerre civile va opposer de 1482 à 1492 dans les Pays-Bas bourguignons les partisans du roi de France et ceux de Maximilien de Habsbourg.

C’est dans ce contexte de guerre civile que cette lettre d’abolition [1] est octroyée par Maximilien de Habsbourg après le ralliement de la ville de Saint-Omer à la cause bourguignonne. En effet, le 25 janvier 1487 Saint-Omer s’ouvre à Maximilien et obtient la promesse de n’être jamais « démembrée de la maison de Bourgogne ».

Mais cette même année, la ville est livrée aux français suite au complot du maréchal d’Esquerdes. Dans la nuit du 27 mai 1487, le maréchal d’Esquerdes et 7 à 800 français pénétrent dans la ville avec la complicité d’échevins et de gros marchands. Le maréchal d’Esquerdes établit le régime français et écrase la ville d’impôts.

Mais des complots se trament avec la complicité des paysans et des bourgeois. Le 11 février 1489 jour de la Saint Désiré, les bourguignons aidés par 22 conjurés peuvent ainsi pénétrer dans la ville. Le 17 février, les français évacuent la ville. C’est la joie populaire : pendant longtemps le jour est chômé et une confrérie de Saint Désiré commémore l’évènement par une procession dite du chat, car « miaou » avait été le mot de passe des conjurés.

[1] Les lettres d’abolition sont des lettres de chancellerie scellées du grand sceau, par lesquelles le prince, par la plénitude de sa puissance, abolit un crime sans même qu’il soit énoncé. Le prince entend que le crime soit entièrement aboli et en accorde le pardon plein et entier, sans que l’auteur du crime puisse en être inquiété.

 

 

ANALYSE DU SCEAU :

Il s’agit du grand sceau de majesté des archiducs Maximilien d’Autriche et de son fils Philippe le Beau en usage de 1484 à 1496. Le sceau de majesté représente le souverain trônant avec les signes de la souveraineté. Le souverain, Maximilien, archiduc d’Autriche, assure la régence pour le compte de son fils Philippe, âgé de 8 ans. C’est un sceau de cire verte, pendant sur lacs de soie rouge et verte, qui caractérise un acte à valeur perpétuelle.

 

Sceau (110 millimètre de diamètre)

L’archiduc Maximilien couronné, en armure, le cou orné du collier de l’Ordre de la Toison d’Or, assis sur un trône, tenant l’épée levée de la main droite et son fils Philippe de la gauche. Ce dernier est assis à ses côtés, il est couronné et tient un sceptre de la gauche.

Le trône est exhaussé par deux degrés, sous un dais à pavillon dont les diaprures sont écartées par deux hommes sauvages ; dans la partie inférieure, brochant sur les deux marches du trône, un écu aux armes.

L’écu porte au I des armories de l’archiduc Maximilien : coupé, en chef parti de Basse-Autriche (cinq aiglettes) et de l’archiduché d’Autriche (une fasce), en pointe tiercé en pal de Styrie (une panthère cornée), de Carinthie (parti au 1 à une fasce, au 2 à trois lions léopardés) et de Carniole (une aigle couronnée) ; au II des armoiries de son épouse : écartelé aux 1 et 4 de France (semé de Fleur de Lis) à la bordure componée), au 2 parti de Bourgogne ancien (bandé à la bordure) et de Brabant (un lion) et au 3 parti de Bourgogne ancien (bandé à la bordure) et de Brabant (un lion) et au 3 parti de Bourgogne ancien et de Limbourg (un lion couronné à queue fourchue) ; avec sur le tout un écusson parti de Flandre (un lion) et de Tyrol (une aigle).

Légende en minuscule sur deux cercles concentriques : / S’ : Maximiliani . z. Philippi . dei . gratia . austrie . archiducu . Burgudie . lotharigie . brabacie . stirie . karitie . carniole . liburg’ . lucebg’ . geldr’ . ducu . Fladrie . // Tirol . artesii . burg’ . palatin . hanoie . hollad . zelad . namuci . zutphaie . comitu . sacri . imperii . marchionu . frisie . saliaru . z . machlie . dnor. (Sigillum Maximiliani et Philippe Dei gratia Austrie archiducum, Burgundie, Lotharingie, Brabancie, Stirie, Karintie, Carniole, Limburgie, Lucemburgie, Geldrie ducum, Flandrie, Tirolis, Artesii, Burgundie palatini, Hanonie, Hollandie, Zelandie, Namuci, Zutphanie comitum, Sacri Imperii marchiorum, Frisie, Salinarum et Machlinie dominorum).

Contre-sceau (55 millimètre de diamètre)

Ecu aux mêmes armes que celles du sceau, suspendu à une couronne et supporté par deux griffons.

Légende en majuscules disposée sur une banderole : CONTRA / SIGILLUM.

 

TRANSCRIPTION DE L’ACTE :

1487, février (n.st.) – Bruges.

Lettre d’abolition de Maximilien, roi des Romains, et de Philippe, archiduc d’Autriche accordant remise et pardon aux gens des Trois Etats de Saint-Omer pour tout ce qu’il auraient fait au préjudice d’iceux, lesdits gens de Saint-Omer ayant reconnus ledit seigneur Roi comme Pair Mainbourg (protecteur) et légitime administrateur de leurs corps et biens.

  1. Original, parchemin, 380 x 205 mm (repli 55 mm), scellé d’un sceau de cire verte sur lacs de soie rouge et verte, Saint-Omer, Bibliothèque d’agglomération de Saint-Omer, BB CXXVII n°3.

Maximilien par la grâce de Dieu, Roy des Roumains tousjours Auguste et Philippe par la mesme grâce, archiducs d’Austrice, [2] ducs de Bourgoingne, de Lotharaingie, de Brabant, de Lembourg, de Luxembourg et de Gheldres, contes de Flandres, de Tyrol, d’Artois, [3] de Bourgogne palatins, de Haynau, de Hollande, de Zeelande, de Namur et de Zuytphen, marquis du Saint Empire, seigneur de Frize, [4] de Salins et de Malines. Savoir faisons a tous presens et avenir que comme sur la requeste par nous roy faicte aux [5] gens des trois estas de nostre ville de Saint-Omer afin qu’ilz se voulsissent declairer de la part de nous roy comme père mainbourg [6] et legitisme administrateurs des corps et biens de nous Philippe, veu les infractions, pilleries, roberies, prinses de places et [7] autres entrefaictes et exploiz de guerre faiz, commis et perpetrez par les francois contre et au prejudice de la paix et de la [8] neutralité de nostre dicte ville, nous leur aions entre autres choses promis et accordé, abolir et pardonnez toutes choses dictes [9] ou faictes durant la dicte neutralité au préjudice de nous ou de noz subjectz. Pour ce est-il que nous vueillans de nostre part acomplir nostre promesse, avons remis quictié, pardonné et aboly et de notre certaine science, auctorité et [10] plaine puissance, remectons, quictons, pardonnons et abolissons par ces présentes tout ce que a esté dit ou fait à nostre [11] préjudice et dont nous pourrions avoir aucune ymaginacion ou regret contre lesdits de Saint-Omer et dont l’on les pourroit [12] cy après chargier comment ne en quelque manière que ce soit ou puist estre advenu. En imposant sur ce scilence en perpetuel [13] a nostre procureur général, a nostre procureur de Flandres et a tous noz autres justiciers et officiers quelzconques. [14] Sy donnons en mandement a notre tres chier et feal chevalier et chancellier le seigneur de Champvaus et de Solre, et à nos amez [15] et feaulx les gens de notre grant conseil, les président et gens de notre chambre de conseil en Flandres, souverain bailli [16] de Flandres et à tous noz autres justiciers et officiers quelzconcques cui ce peut et pourra touchier et regarder leurs [17] lieuptenant et à chascun d’eulx en droit, foy et si comme a l’y appartiendra que de noz presente grace, remission, pardon et abolicion [18] selon et par la manière que dit est ilz facent seuffrent et laissent lesdits de notre ville de Saint-Omer plainement, [19] paisiblement et perpetuellement joyr et user sans leur faire mectre ou donner ne souffrir estre fait, mis ou donné [20] ores ne pour le temps advenir quelconcque arrest, destourbier ou empeschement au contraire en corps ne en biens [21] en aucune manière. Et pour ce que de ces présentes l’on pourra avoir à faire en divers lieux, nous voulons que au vidimus [22] d’icelle fait soubz seel autenticque ou copie collationné et signée de l’un de noz secrétaires, foy soit adjoustée comme a ce présent [23] original. Et affin que ce soit chose ferme et estable a tousjours, nous avons fait mectre notre seel a ces présentes [24] saulf en autres choses notre droit et l’autruy en toutes. Donné en notre ville de Bruges au mois de février l’an de grâce mil CCCC quatrevins et six, et du règne de nous Maximilian le second.

[Sur le repli : ] Par le Roy.

[Signé : ] Numan.

[A droite : ] Visa.

 

POUR ALLER PLUS LOIN :

LAURENT René, « Le grand sceau de majesté des archiducs Maximilien d’Autriche et Philippe le Beau (1484-1496), in (Les) Pays-Bas bourguignons. Histoire et institutions. Mélanges André Uyttebrouck, Bruxelles : Archives et Bibliothèques de Belgique, volume 53 numéro spécial, 1996, p.287-295.