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Recueil de vies de saints

Volume de 174 feuillets de parchemin, inscrits à longues lignes sur 22 lignes d'une réglure à la pointe sèche. L'écriture est une minuscule caroline régulière, de deux mains différentes.
On trouve un colophon de l'abbé Odbert de Saint-Bertin (989-1007) au f. 149, qui nous permet de dater la réalisation de ce volume de son abbatiat : "Ego Odbertus peccator absque merito abbas, codicem istum a quodam fratre et monacho nostro levitici scilicet ordinis viro iussu rogatuque nostro descriptum huic sancto Sithiensi delaegavi coenobio, quem si quis hinc sancto Petro sanctoque Bertino alienaverit iram Dei predictorumque sanctorum incurrat. Rogo ut mei scriptorisque illius quisque in eo legens apud clementissimum iudicem precibus interveniat". (Moi, Odbert, abbé pécheur et sans mérite, ait délégué la réalisation de ce manuscrit à un un frère et moine de notre monastère de Sithiu, quiconque l'aliénera à saint Pierre et saint Bertin encoure la colère de dieu et de ces saints. Je prie pour que celui qui le lira prie pour moi et le copiste pour intervenir en notre faveur auprès du Juge très clément).

CONTENU
Ce volume est un recueil hagiographique dont la figure centrale est saint Martin de Tours. On y trouve aussi les vies de plusieurs saint tourangeaux ou affiliés.

1°_ f. 1-45 : il s'agit de la vie de Martin, évêque de Tours, composée en 397 par son disciple Sulpice Sévère, suivie des lettres de ce dernier au prêtre Eusèbe, au diacre Aurélius, et à sa belle-mère Bassula.
2°_ f. 45-121: viennent ensuite ses Dialogues sur les vertus de saint Martin. Qui mettent en scène Sulpice Sévère, Postumien et Gallus qui, après avoir longuement établie la liste des miracles attribués au saint, concluent sur la supériorité de Martin sur tous les autres saints et fustigent les détracteurs de Martin.
3°_ f. 121-123v-124v : Grégoire de Tours, deux sermon pour la translation de saint Martin.
4°_ f. 124v-126 : Ambroise de Milan, sermon pour translation de saint Martin.
5°_ f. 126-128 : Sermon pour la translation de saint Martin tiré de la vie de saint Perpet de Tours.
6°_ f. 128-131v : Vie de saint Brice de Tours.
7°_ f. 132-135v : une série d'hymnes liturgiques en vers léonins pour les différents offices en l'honneur de saint Marin.
8°_ f. 135v-136v : Martin de Tours, Profession de foi.
9°_ f. 136v-142 : Vie de saint Venant de Tours.
10°_ f. 142v-143 : Poèmes envers léonins en l'honneur de saint Martin.
11°_ f. 143v-149 : Alcuin d'York, Vie de saint Martin.
12°_ f. 149r-151 : Passion de saint Pollion de Cybalae.
13°_ f. 151v-165 : vie de saint Wulfram de Sens.
14°_ f. 165-170 : Hymne en l'honneur de saint Wulfram.
15°_ f. 170-174 : Homélie pour ma Nativité attribuée à Jean Chrysostome.

DÉCOR
Ce volume, comme tous ceux produits par ou à la demande de l'abbé Odbert de Saint-Bertin, a été exécuté avec soin.
Les quatre principales sections du volume sont introduites par une page d'initiales ornées dans le style franco-saxon carolingien typique de la production bertinienne et influencée par la production carolingienne de l’abbaye.

_f. 6v-7 : la vie de saint Martin par Sulpice Sévère s'ouvre sur une double pleine page d’encadrement ornés de palmettes et de feuilles d’acanthe stylisées, proche de celle du ms. 342bis, où l'on ressent encore l'influence du style anglo-saxon qui s'est développé dans la seconde moitié du Xe siècle entre Winchester et Canterbury. Mais ici les motifs d'angle ne sont pas de rosaces de feuilles d’acanthe comme dans les manuscrits anglais, mais annoncent le vocabulaire ornemental roman en déployant des entrelacs de rinceaux et d'oiseaux. La palette est constituée d'argent (désormais très oxydé), de vermillon, de vert, d'azur, le tout encadre un aplat de pourpre où l'incipit du texte est inscrit en lettres au blanc de plomb. On retrouve la même composition sur le feuillet en regard qui comprend en outre une initiale I évidé, et dont les extrémités se terminent par des entrelacs.
_f. 32 : La lettre de Sulpice à Eusèbe s'ouvre sur une initiale H onciale, dont la haste évidée se termine par des entrelacs, et dont la panse est figurée par un oiseau.
_f. 65v. : la lettre à Aurélius s'ouvre sur une initiale P dont la haste évidée est ornée d’entrelacs, et qui se termine par une palmette et d'un côté et un protomé animal de l'autre, de la gueule duquel jaillit un autre canidé.
_f. 40 : la lettre à Bassula s'ouvre sur un S n évidée orné d'entrelacs et qui se termine par deux protomés d'oiseau huppés à longs becs, particulièrement caractéristiques du vocabulaire ornemental du scriptorium de Saint-Bertin du IX au Xe siècle (voir ms. 1687).
_f. 48 : le premier livre des Dialogues s’ouvre sur un grand C dont les deux bras évidés sont ornés en leur centre d’entrelacs, se prolongent de part et d’autre d’un nœud d’entrelacs terminés par des tête de rapaces. Les extrémités des bras se terminent également par des entrelacs a tête de canidé des gueules desquels jaillissent des rinceaux qui se rejoignent pour former une grosse palmette qui s’épanouit au cœur de la lettre sur un fond azur.
_f. 79v. : le second livre des dialogues s’ouvre sur une grande lettre Q onciale, formée d’une rosace de huit lions à tête d’argent, dessinés à l’encre rouge sur réserve de parchemin, affrontés par paires. L’espace entre les lions est alternativement saturé de vert ou d’azur. La queue du Q est dessiné par des palmettes. Le tout sur un fond pourpre.
_f. 100v. : le troisième et dernier livre des dialogues, est introduit par une grande initiale L évidée argent et bleue, dont les extrémités se termine par des entrelacs et deux tête d’oiseaux à bec recourbé en apostrophe. L’incipit est inscrit en lettre d’argent sur bandes de pourpre.
_f. 121 : le sermon de Grégoire de Tour est introduit par un A rubriqué dont les jambages évidés sont garnis d’entrelacs ainsi que son sommet. La base des jambages se termine par deux têtes de canidés. Une tête humaine barbue est dotée de deux « cornes » qui s’enroulent sur les jambages du A pour en dessiner la barre médiane.
_f. 128 : la vie de saint Brice s’ouvre s’un une lettre I figurée par une représentation du saint évêque. Le style très graphique de ce dessin coloré est nettement postérieur au reste du décor du manuscrit et peut être rattaché à la production du scriptorium de Saint-Bertin des années 1120-1140, que l’on retrouve notamment dans le ms. 19 de Bergues, ou le ms. 34 de Saint-Omer.
Les autres textes s’ouvrent sur une initiale ornée, parfois habitée ou historiée, et un incipit inscrit en initiales de couleurs rouges et vertes.
Chaque division du texte est indiquée ensuite par une lettre de couleur alternativement rouge ou verte de deux modules différents. Les noms des principaux saints sont inscrits en majuscules et on trouve aussi quelques rubriques.

ICONOGRAPHIE
_f. 102v : un personnage tenant une épée a été dessiné un peu maladroitement dans la marge du feuillet. Il s’agit très certainement de saint Martin jeune au moment où son père l’oblige à s’engager dans l’armée romaine, évoqué dans le texte adjacent.
_f. 128 : saint Brice, évêque de Tours et successeur de saint Martin, est figuré nimbé, vêtu de riches habits liturgiques, assis sur un trône architecturé muni d’un large coussin, les pieds sur un repose-pieds. Il fait le signe de la bénédiction de la main droite et tient un livre ouvert dans la main gauche. Son visage a été effacé, probablement sous l’effet d’une damnation memoriae, car Brice de Tour est connu pour avoir eu des mœurs dissolues et un comportement subversif.

RELIURE
Reliure refaite au XVIIe siècle, veau brun jaspé à la postasse, dos à 4 nerfs, palettes dorées en tête, en queue et sur les nerfs caissons fleuronnés, titre doré : « VITA S. MARTINI ET ALIOS S ».

PROVENANCE
Ce volume comprend de nombreuses marques de provenances de l'abbaye de Saint-Bertin.
_f. 1, marge sup., inscription du XVIIIe siècle : « Ex libraria S. Bertini» et anc. cote du XVIIIe siècle « 270 ».
_f. 1v-2, marge inf., inscription du XIIe siècle : « Liber sancti Bertini si quis eum abstulerit, retinuerit vel celaverit, sciat se excommunicatum. »
_f. 2, marge inf, inscription du XIVe siècle : « De libraria sancti bertini ».
_f. 2, marge sup., inscription du XIVe siècle : « Epistola Severi ad Desiderium de vita beati Martini Turonensis episcopi Liber Albini de vita beati Martini episcopi Vita sancti Wulpranni Senonensis episcopi » Table de contenu de la même main que l'ex-libris du XIVe siècle
_f. 6, inscription de 1530 : « Hic quingentorum tempus exegit annorum Sithiu sub Anthonio lectus in cenobio ». Cette note semble être attribuée à Alard Tassart, moine de Saint-Bertin de 1495 à 1532, par Guillaume De Whitte
_f. 6, inscription de 1630 : « Tassart 1530 Et post centenos sexcentos (si legis) annos Scriptoris tempus denotat iste codex. De Whitte 1630 » Guillaume De Whitte est moine de Saint-Bertin de 1603 à 1640. Il a laissé de nombreuses notes dna sles maerges du volume.

BIBLIOGRAPHIE
A. Catalogues d’exposition
_L’art du Moyen Âge en Artois, (cat. expo), Arras, 1951, cat. 9, p. 46.
_CORDONNIEr, Rémy, Splendeurs et lumières des scriptoria ecclésiastiques audomarois au Moyen Âge (IXe-XVIe s.), Saint-Omer, 2013, p. 19.

B. Travaux universitaires non publiés
_GOUDESENNE, Jean-François, Le Chant liturgique dans le nord de la France au Moyen Âge, pour une approche de la messe de Pâque & une étude des notations neumatiques, mémoire de maîtrise en musicologie, 3 vol., dir. M. C. Beltrando-Patier, Lille III, 1987 (extraits).

C. Bibliographie générale
_Bled, Oscar. “L'école bertinienne. I. Abbés et religieux de Saint-Bertin, chroniqueurs, copistes, et enlumineurs, II. Tassar, chroniqueur de Saint-Bertin”, Bulletin trimestriel de la Société académique des Antiquaires de Morinie, 14 (1922), p. 99-115.
_BOINET, A., Histoire de la miniature à l’Abbaye de Saint-Bertin d’après la conférence donnée à saint-Omer à l’Occasion de l’Exposition du Livre, Le 3 oct. 1926, par M. A. Boinet, administrateur de la bibliothèque Saint-Geneviève, Saint-Omer, L’Indépendant, 1926, p. 6.
_BOUTEMY, André, « Un trésor injustement oublié : les manuscrits enluminés du nord de la France (période pré-gothique) », Scriptorium, 3-1, 1949, p. 110-122.
_BOUTEMY, André, « La Miniature », dans E. Moreau, dir., Histoire de l’Eglise en Belgique, II, 2e éd., p. 311-361 (ici p. 325).
_BOUTEMY, André, « Notes de voyages sur quelques anciens manuscrits de l’ancien archidiocèse de Reims », Scriptorium, 2, 1948, p. 123-129.
_BOUTEMY, André, « Odbert de Saint-Bertin et la seconde Bible de Charles le Chauve », Scriptorium, 4, 1950, p. 101-102
_BOUTEMY, André, “La bible de Saint-André-au-Bois (Boulogne-sur-Mer, ms. 2)”, Scriptorium, 5-2 (1950), p. 222-237.
_BOUTEMY, André, “L’abbé Odbert et l’enluminure anglaise”, A travers l’art français du moyen âge au XXe siècle (Archives de l'art français : nouvelle période), 25, 1978, p. 15-19.
_Colophons de manuscrits occidentaux des origines au XVIe siècle. Colophons du Bouveret, Fribourg, Ed. universitaires (Spicilegii Friburgensis Subsidia. 2, 3), 1965.
_DODWELL, Charles Reginald, The pictorial art of the West, 800-1200, Cambridge, Yale University Press, 1993.
_DOLBEAU, François. 2006. “Une hymne inédite en l'honneur de saint Vulfran”, dans Martin Heinzelmann (dir.), Livrets, collections et textes. Etudes sur la tradition hagiographique latine, Ostfildern, 2006, p. 225-284.
_LESNE, Emile, Histoire de la propriété ecclésiastique en France, IV, Paris, Champion, 1910, p. 251.
_OURSEL, Hervé, Deremble-Manhès, Colette, Thiébaut, Jacques, Nord Roman,Flandres, Artois, Picardie, Laonnois, Abbaye de la Pierre-qui-Vire, Zodiaque,1994.
_WILMART, André, « Les livres de l’abbé Odbert », BSAM, 14, 1924, p. 169-180 (ici, p. 174).
_Institut de recherche et d'histoire des textes (IRHT-CNRS), «Notice de Saint-Omer, Bibliothèque d'agglomération de Saint-Omer, 765», dans Stutzmann Dominique (dir.), Saint-Bertin : centre culturel du VIIe au XVIIIe siècle, 2016.