Glose ordinaire sur le livre de l'Exode
- Titre_latin
- Exodus glossatus
Volume de 125 feuillets de parchemin, inscrits sur trois colonnes de texte de 42 lignes pour la glose d'une réglure à la mine de plomb. L'écriture est une textualis régulière possiblement d'une seule main.
CONTENU
Il s'agit du texte de l'Exode, accompagnée de la glose ordinaire. Cette glose de la Bible entière, composée essentiellement par les maître de l’école de Laon, devint un véritable livre de classe obligatoire pour l'enseignement des lettres sacrées : le maître faisait cours sur un texte entouré de la glose ordinaire.
De Paris, cette glose, dite ordinaire, se répandit dans toute la Chrétienté médiévale, là où l'on parlait le latin comme langue commune. Les différents successeurs d'Anselme de Laon on poursuivi son œuvre et c'est à Gilbert de la Porrée que l'on doit le commentaire sur le Pentateuque dont fait partie l'Exode. Le manuscrit de Saint-Omer s’ouvre en outre sur un extrait des Dialogues de Grégoire le Grand, à propos de la vie de saint Benoit : "Christ, pour qui Jésus-Christ est sa vie et sa mort un gain,[23] qui, non content d'ambitionner pour lui les travaux et les souffrances, en inspire aux autres le désir brûlant, cherche secrètement le moyen de se soustraire à la persécution qu'il souffre à Damas, en se faisant, à l'aide d'une corde, descendre le long des murs dans une corbeille. Dirons-nous que saint Paul redoutait la mort, lui qui proteste de son ardent désir de mourir pour Jésus-Christ ? Non, sans doute. Mais, convaincu qu'il portera peu de fruit dans cette ville, il brave tous les périls pour sauver sa vie, et faire du bien ailleurs. Ce vaillant champion ne peut voir enchaîner son zèle, et il court chercher un champ de bataille. Ainsi en fut-il du vénérable Benoît. En me prêtant une oreille attentive vous m'avez compris : s'il quitta un petit nombre de rebelles, ce fut pour faire passer ailleurs de la mort à la vie un grand nombre de personnes. PIERRE. Votre décision est exacte ; la lumière de la raison et l'exemple que vous alléguez le prouvent manifestement ; mais reprenez, je vous prie, la vie de cet illustre Père, et poursuivez votre récit.
GRÉGOIRE. Les vertus et les miracles firent éclater de plus en plus la sainteté de l'homme de Dieu au fond de son désert, et alors beaucoup de personnes se réunirent à Sublac pour se consacrer au service de Dieu. Avec le secours de notre Seigneur Jésus-Christ, Benoît construisit douze monastères, dans chacun desquels il mit un abbé avec douze religieux sous sa conduite. Il conserva avec lui un petit nombre de disciples, qu'il jugeait à propos d'instruire plus parfaitement encore à son école. C'est alors que des citoyens de Rome, distingués par leur naissance et leur piété, vinrent le visiter en foule, et lui offrirent leurs enfants pour les élever dans la crainte du Seigneur. Eutyche lui présenta Maur, et le patrice Tertulle, son fils Placide ; c'étaient deux enfants de grandes espérances. Maur, quoique jeune encore se signala par l'innocence de ses mœurs, et devint dès lors l'auxiliaire et l'appui de son maître. Pour Placide, ce n'était qu'un enfant, et il avait le caractère de son âge.[24] CHAPITRE IV Moine vagabond ramené dans la bonne voie. GRÉGOIRE. Il y avait dans un des monastères que saint Benoît avait fondés aux alentours de sa solitude, un moine qui ne pouvait rester en place au moment de l'oraison ; aussitôt que les frères se disposaient à ce saint exercice, il quittait la chapelle, pour livrer son esprit inquiéta des préoccupations terrestres et frivoles. Son abbé lui avait adressé plus d'un avertissement ; enfin on l'amena à l'homme de Dieu, qui lui reprocha énergiquement la folie de sa conduite. Mais, de retour au monastère, à peine s'il se conforma deux jours à l'admonition du serviteur de Dieu. Le troisième, il retomba dans son habitude, et se mit à vagabonder au temps de l'oraison. L'abbé, que Benoît avait établi à la tête du monastère, en instruisit le serviteur de Dieu, et celui-ci lui répondit : « J'irai, et je le châtierai moi-même. »
L'homme de Dieu se rendit effectivement au monastère, et lorsque après avoir achevé la psalmodie, les religieux, à l'heure déterminée, se furent mis en oraison, il vit un petit enfant noir tirer par le bord de son vêtement, pour l'entraîner dehors, le moine qui ne pouvait rester en prière.
Alors il dit secrètement à l'abbé du monastère, nommé Pompéien, et à Maur, serviteur de Dieu : « Ne voyez-vous pas quel est celui qui tire ce moine dehors ? — Non, répondirent-ils. — Eh bien ! prions, leur dit Benoît, afin que vous voyiez aussi vous-mêmes celui que ce moine prend pour guide. » Après deux jours de prières Maur le vit ; mais Pompéien, l'abbé du monastère, ne put obtenir cette faveur. Après avoir adressé à Dieu une autre prière, le saint homme sortit de la chapelle et trouva ce religieux debout devant la porte. Voyant l'aveuglement de son cœur, il le frappa de sa baguette. Dès lors ce moine ne subit plus l'influence du petit enfant noir, et il resta fidèle à l'exercice de l'oraison. C'est ainsi que l'ancien ennemi n'osa plus exercer sur son cœur un funeste empire : on eût dit que l'homme de Dieu l'avait frappé lui-même".
DÉCOR
Ce volume s'ouvre sur une initiale historiée H, bleue sur fond d'or et le reste du volume est très sobrement ponctué de lettres de couleur pour marquer les grandes divisions du texte.
Le style de l'enluminure appartient au style 1200, caractérisé à la fois par des éléments de style et des éléments de composition. Les fonds restent essentiellement abstraits et placent les scènes dans un cadre intemporel. Les lieux et les espaces sont éventuellement suggérés au moyen de motifs isolés. Les personnages sont encore souvent disposés côtes à côtes avec les têtes au même niveau. En revanche les postures sont plus souples, plus gracieuses, et les corps plus déliés, même s’il reste une certaine rigidité parfois un peu mécanique dans le rendu des mouvements et la gestuelle. Les expressions sont figées et stéréotypées, voir complètement absentes. On observe enfin une influence de l’antiquité qui se traduit notamment par une complexification des drapés où se multiplient les plis mouillés, très serrés et de plus en plus fluides.
Il peut être rapproché de plusieurs manuscrits enluminés dans la région dont un recueil contenant un traité sur la symbolique des oiseaux, enluminé pour l’abbaye de Clairmarais. L’enlumineur de ce manuscrit ou un de ses collaborateurs a également travaillé à une Bible en images produite à Saint-Bertin dans les mêmes années (La Haye, KB, ms. 76 F 5). C’est l’attribution de manuscrit à Saint-Bertin qui laisse supposer que les manuscrits de ce style proviennent du même scriptorium.
Deux autres artistes ou groupes d’artistes fortement influencés par ce style ont enluminé un recueil de textes de grammaire(ms. 193) et des Épitres pauliniennes glosées (ms. 31), provenant de Clairmarais, et un manuscrit liturgique destiné à la collégiale (ms. 185).
L’enlumineur du manuscrit 100 emploie une palette différente des autres manuscrits évoqués ici, et le dessin du corps de la lettre entièrement évidé et coloré de manière uniforme sans éléments floraux, sont autant d’éléments qui suggèrent un autre atelier. Il peut s’agir d’enluminures réalisées à Clairmarais même, désormais installée depuis plus de trente ans, ou d’un manuscrit entré à l’abbaye cistercienne par achat ou par don.
ICONOGRAPHIE
L'initiale historien comprend un personnage barbu et cornu aux cheveux blancs. Il est vêtu d'un manteau bistre sur une robe verte et tient un phylactère dans la main gauche tandis que la droite semble désigner le texte placé sous lui. Il s'agit de la figure de Moïse, en effet, jusqu’au XVIIIe siècle, Moïse est souvent représenté avec des cornes, car Jérôme de Stridon, lorsqu'il a traduit la bible hébraïque en latin au IVe siècle, a confondu le mot hébreux "keren" (rayon de lumière), avec "karan", qui veut dire "corne".
RELIURE
Cette reliure a été restaurée en 1777 contre l'indique la mention au contreplat sup. : plats de carton couvertes de parchemin ivoire, dos en veau brun, palettes dorées en tête, en queue et sur les nerfs, caissons fleuronnés, titre doré "GLOSSA IN EXODU"
PROVENANCE
"Lib sce Marie de Claromaresc Siq[i]s eù abstulerit anathema sit" inscrit à l'encre sur le dernier feuillet
BIBLIOGRAPHIE
A. Catalogue d'exposition
_CORDONNIER, R., Splendeurs et lumières des bibliothèques ecclésiastiques audomaroises au Moyen Âge (IXe-XVIe s.), Saint-Omer, 2013, p. 15.
B. Bibliographie générale
_CLARK (Willene B.), « Three manuscripts of Clairmarais : a Cistercian contribution to early gothique figure style», dans Studies in Cistercian art and architecture, 1987 (op. cit.), vol. 3, p. 97-110.
_BONDEELLE-SOUCHIER, Anne, Bibliothèques cisterciennes dans la France médiévale. Répertoire des abbayes d'hommes, Paris, 1991.
_STAATS, Sarah, Le catalogue médiévale de l’abbaye cistercienne de Clairmarais et les manuscrits conservés, Paris, CNRS éditions, 2016, p. 138-139.
- Cote
- Ms. 0100
- Période
- 13e siècle
- Date
- 1200
- Date de fin
- 1210
- Type de document
- Manuscrit
- Catégories
- Enluminure
- Collection
- Manuscrits
- Informations bibliographiques
- Bibliothèque de l’Agglomération du Pays de Saint-Omer
- Droits
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