Delmas'aj helpaj bildoj por la praktika instruado de l'modernaj lingvoj per bildaro


Ces deux ouvrages se présentent sous la forme de cahiers, qui associent de grandes images à des planches de vocabulaire. Ils servent de support pédagogique à l’enseignement de l’espéranto, la « langue universelle » inventée en 1887 par un médecin polonais, Louis-Lazare Zamenhof. Caractérisé par sa logique agglutinante et sa parfaite régularité, se présentant comme neutre et humaniste, l’espéranto se propose de résoudre les problèmes d’intercompréhension en devenant la langue seconde de tous les hommes.

LE SUCCES FULGURANT DE L’ESPERANTO
Ces cahiers ont paru à l’été 1906, c’est-à-dire un an après le premier congrès universel d’espéranto qui, organisé à Boulogne-sur-Mer, a démontré la viabilité du projet de Zamenhof et suscité un vaste mouvement de curiosité en sa faveur. Depuis les toutes premières années du XXe siècle, l’espéranto a trouvé en France un terreau favorable, notamment grâce à l’action d’un homme, Louis de Beaufront. Actif propagandiste, il fonde en 1898 la Société Française pour la Propagation de l’Espéranto, afin de fédérer les multiples initiatives qui fleurissent alors dans tout l’hexagone (création de sociétés espérantistes, lancement de cours et organisations de conférences), et une revue, L’Espérantiste, qui assure la diffusion de l’espéranto auprès du public français.
C’est également à Louis de Beaufront qu’il revient d’adapter, pour l’espéranto, la formule des « images auxiliaires » mise au point par l’éditeur Delmas et conçue par E. Rochelle, professeur d’allemand au lycée de Bordeaux. Dès les années 1880, toutes les grandes maisons d’édition publient ainsi des collections de tableaux muraux, accompagnés parfois de légendes explicatives et de listes de vocabulaire. A partir de 1903, c’est au tour de la maison bordelaise Delmas de lancer une série d’images « auxiliaires » pour l’enseignement des langues vivantes dans les écoles. Trois ans plus tard, l’espéranto s’ajoute ainsi à son catalogue, où figuraient jusqu’à lors l’allemand, l’anglais, l’espagnol et l’italien. L’espéranto, moins de vingt ans après sa création, se trouve ainsi promue au rang des principales langues de culture et de communication !

UNE FORMULE D’ENSEIGNEMENT INNOVANTE
La formule, identique pour chaque langue, est simple : lorsqu’on ouvre l’un des cahiers, une ou plusieurs vignettes, figurant des scènes de la vie quotidienne, font face à des listes de mots, que des numéros permettent de relier à l’objet ou à l’action qu’ils désignent sur l’image. Apparemment élémentaire, un tel outil d’enseignement est en réalité particulièrement innovant. Il s’inscrit dans la lignée de la réforme de l’enseignement des langues vivantes, formalisée par les instructions ministérielles de 1902, et qui privilégie la méthode directe, évite le recours à la langue maternelle et aux règles de grammaire superflues. Elle vise à encourager la prise de parole de l’élève et promeut un apprentissage des langues « par l’aspect ».
Simple et ludique, l’espéranto se prête particulièrement bien à ces méthodes nouvelles, et de nombreux espérantistes de la première heure, issus des milieux universitaires et académiques, sont également des partisans convaincus de la réforme de 1902. Cette édition, en noir et blanc et proche du format A4, est en fait la version portative d’une série de mêmes images, en couleurs et trois fois plus grandes, que l’enseignant peut accrocher au mur. Les images lui permettent ainsi de désigner à son auditoire les objets ou les personnages dont il veut lui faire retenir le nom, sans passer par la traduction. En présentant de véritables scènes de la vie quotidienne et des objets en contexte – et non pas isolés – elles servent aussi à engager la conversation et à faciliter la prise de parole de l’élève, tout en rendant moins aride l’apprentissage du vocabulaire. Encore aujourd’hui, le pittoresque des illustrations, qui fourmillent d’actions, de détails et de personnages, nous séduit aisément.

UN ENGOUEMENT SANS LENDEMAIN
Pourtant, dans le cas de l’espéranto, ces méthodes innovantes ne connaîtront pas de réelle postérité. Si elle est, dès ses débuts, une forte préoccupation du milieu espérantiste, son introduction à l’école demeurera marginale. Les cours d’espéranto dans les écoles relèvent d’initiatives locales, ponctuelles et individuelles. Elles sont le fait d’instituteurs ou de professeurs isolés, dont la bonne volonté trouvera peu de relais dans le monde politique – jusqu’à ce que la circulaire Bérard, en 1922, interdise tout bonnement la mise à disposition des locaux scolaires pour l’enseignement de l’espéranto.
Les Delmas’aj Helpaj Bildoj (les « Images Auxiliaires Delmas », en espéranto) témoignent ainsi du bref mais réel mouvement d’engouement que l’espéranto et son enseignement ont fait naître en France avant la première guerre mondiale. Plusieurs éditeurs généralistes s’intéressent alors à la langue universelle ; aux côtés de la maison Delmas, on peut citer deux institutions fameuses : l’imprimeur Pellerin, éditeur des célèbres images d’Épinal, et surtout la société Hachette, le premier éditeur mondial, qui lance dès 1901 une collection entièrement consacrée à l’espéranto. La Première Guerre mondiale et le décès de Zamenhof, en 1917, porteront un coup fatal à cet engouement.

Notice rédigée par Thomas Creusot (E. des Chartes)

Auteur
Louis Chevreaux, alias Louis de Beaufront (1855-1935), premier espérantiste français, puis l'un des créateurs de l'ido
Editeur / imprimeur
Delmas
Contributeur
Ernest Deligny (1864-1950), espérantiste, professeur adjoint au lycée de Saint-Omer, Bibliothécaire-archiviste de Saint-Omer, vice-président de la bibliothèque populaire
Cote
Inv. 32981
Groupe
Fonds Deligny (Esperanto)
Période
20e siècle
Catégories
Imprimé ancien
Collection
Imprimés anciens > Livres après 1500 > Collection Espéranto (E. Deligny)
Informations bibliographiques
Bibliothèque de l’Agglomération du Pays de Saint-Omer
Droits
domaine public

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