Pontifical romain à l’usage de Saint-Lizier de Couserans


Titre_latin
Pontificale ad usum ecclesie Sancti Licerii Coseranensis
Dates du document
1436

Volume de 391 feuillets de parchemin, inscrits sur deux colonnes de 17 lignes d'une réglure à la mine de plomb. L'écriture est une textualis formata régulière d'une seule main. On trouves diverses corrections et annotations d'une main contemporaine et d'autres plus tardives.

CONTENU
Il s'agit d'un pontifical, un livre liturgique qui contient les offices et la liturgie des sacrements réservées au pontife, c'est à dire à l'évêque. Il se distingue par la particularité de ses rubriques et de certains textes plutôt rares.
L’usage peut être déterminé grâce à l’interrogatoire prévu dans l’ordination de l’abbé des chanoines : "Vis sancte Coseranensi ecclesie et mihi et successoribus meis esse subditus secundum instituta sanctorum canonum ?" : « Veux-tu être soumis à l’église de Couserans, à moi et à mes successeurs, selon les statuts des saints canons ? » (f. 47v-48r), et il est corroboré par les litanies (f. 298v), qui mentionnent les saints Lizier, évêque de Couserans, Bertrand, évêque de Comminges, et Exupère, évêque de Toulouse.
Les pièces de chant sont notées en notation carrée sur portée de quatre lignes rouges.

DÉCOR
Ce volume comprend de types de lettres ornées.
Des initiales à rinceaux.
_f. 3 : deux initiales Q champies. La première est chrysographiée, sur un fond bleu avec la panse ornée d'un treillis sur fond rose. La seconde est en bleu sur fond rose, la panse ornée d'un treillis sur fond argenté. Le délié du Q se prolonge en un rinceau orné de feuilles roses et bleues et de boules d'or.
_f. 11 : une initiale I ornée, le corps de la lettre est en bleu pâle, avec un bandeau rose, le tout sur fond violet rehaussés d'or et agrémenté de rincelets blancs.
Le style de ce décor et la palette est caractéristique de l'enluminure méridionale de la fin du Moyen Âge. A la fois naïfs et inventif, nous n’avons pas pu à ce jour le rattacher à un atelier particulier. Il est possible que ce soit l’œuvre d'un artisan local. Certaines lettres ne sont pas terminées (f. 61 v.), ce qui suggère que le décor principal a été exécuté dans un second temps. La très courte nomination du commanditaire au siège épiscopal de Cousserans explique surement cela.
Des initiales filigranées rouges à filigrane violet et des bleues a filigranes rouges. Certains filigranes prennent la forme de motifs figuratifs (souvent anthropomorphes). Les filigranes sont très maîtrisés et témoigne d'une production d'atelier.


ICONOGRAPHIE
_f. 1 et 2v : alphabets latins et grecs reproduits en vue de leur usage dans la cadre de la cérémonie de consécration des églises. Ce bifeuillet est curieusement placé en début de volume, il eut été plus logique de le trouver soit entre les f. 153 et 154 ou entre les 154-155. Il sont d'ailleurs répétés sur les f. 153v-154.
_f. 11 : deux grotesques à tête anthropomorphes : un évêque et un chevalier, sont peint dans la marge supérieure.
_f. 310v : c'est la scène la plus complète, on voit un évêque, probablement le commanditaire Jean le Jeune, bénissant une épée placée en pal devant lui. En face de l'évêque se tient un chevalier en armes, probablement Raymond-Arnaud II de Coarraze, monté sur son destrier et tenant boulier et gonfanon armoriés. Cette scène illustre la bénédiction des armes, dont la cérémonie est décrite au feuillet en regard (f. 311).
Les réclames sont souvent décorées de grotesques (échassiers à tête humaine) ou de tête humaines posées sur un drap ou sortant d'une sorte de chapeau (certaines ne sont pas terminées).

RELIURE
Refaite au XVIIe siècle, veau brun jaspé, tranches jaspées, dos à 5 nerfs, triples filets dorés en tête, en queue et en pieds de nerfs, fleurons dorés sur les caissons, titre doré : "PONTIFIC ANTIQVVM".

PROVENANCE
On trouve l'ancienne cote de Saint-Bertin sur le premier feuillet.
Par ailleurs, f. 11r et 310v on peut noter la présence des armes des barons de Coarraze, seigneurs d’Aspet : parti, de gueules à deux otelles adossées d'argent, une en chef posée en bande, l'autre en pointe posée en barre, et d'or à deux brebis de sable. Compte tenu de l'époque probable de réalisation de ce manuscrit, il pourrait s’agir de Raymond Arnaud VI (1415-1462) qui devient baron de Coarraze en 1428, après la mort de son frère Bernard III. Il participe à plusieurs luttes qui mirent fin à la guerre de cent ans en chassant définitivement les Anglais de Guyenne et de Gascogne, et y joue un rôle important par sa bravoure et son courage. Il défend Orléans, est blessé le 31 octobre 1428 au boulevard des Tourelles au cours d’un assaut infructueux des anglais. Le 29 avril 1429, les chroniqueurs signalent que derrière Jeanne d’Arc venait le Béarnais Raymond Arnaud de Coarraze. Il prend également part au siège de Dax pour chasser les Anglais de la ville (1442), de Mauléon et de Guiche en 1449, et participe au siège de Bayonne en 1451. Il meurt sans héritiers mâle. Après lui, la baronnie passe dans l’apanage des comtes de Foix par alliance : sa fille ainée, Catherine de Coarraze hérite en effet de la baronnie de son père et elle épouse en 1446 le comte de Comminges Mathieu de Foix. En 1483, elle vend la baronnie à Jean de Foix, vicomte de Narbonne.

On peut s'étonner de retrouver ainsi un livre liturgique méridional dans une abbaye aussi septentrionale que Saint-Bertin. L'explication probable est qu'il est arrivé dans les bagages d'un religieux au grès des changements d'attributions.
Le meilleur candidat est l'amiénois Jean le Jeune ou le Josne (1410-1451), qui fut brièvement évêque de Cousserans en 1436 avant d'être transféré au siège épiscopal de Thérouanne en novembre de la même année, siège qu'il occupe jusqu'en 1451. Entre-temps il est créé cardinal par Eugène IV lors du consistoire du 18 décembre 1439.



L'arrivée de ce volume à Saint-Bertin est très certainement à mettre sur le compte des relations entre Jean le Josne et Guillaume Fillastre (14..-1473) qui fut lui-même évêque de Toul, Verdun puis Tournais. Le protégé de Charles le Téméraire ne prend pleinement la tête de l'abbaye de Saint-Bertin en 1450, soit un an avant le décès de Jean le Josne. Mais il est nommé à la commende de l'abbaye dès 1442 et officiellement par bulle pontificale de Nicolas V en octobre 1448 relayée par le prévôt de Saint-Omer Simon de Luxembourg.

BIBLIOGRAPHIE
A. Catalogues d'Exposition
_STUTZMANN, Dominique (dir.), Jeux de mains. Portraits de scribes dans les manuscrits de la Bibliothèque de l’Agglomération du Pays de Saint-Omer, Saint-Omer, BASO-CASO, 2015, cat. 8, p. 9.

B. Bibliographie générale
_Leroquais, Victor. 1937. Les pontificaux manuscrits des bibliothèques publiques de France .... Pontificaux. Paris : [Macon, Protat frères].
_Eusèbe de Verceil. Bulhart, Vincent, ed. 1957. Eusebii Vercellensis, episcopi, quae supersunt. Turnholti : Brepols. Corpus Christianorum. Series Latina. 9.
_Institut de recherche et d'histoire des textes (IRHT-CNRS), «Notice de Saint-Omer, Bibliothèque d'agglomération de Saint-Omer, 250», dans Stutzmann Dominique (dir.), Saint-Bertin : centre culturel du VIIe au XVIIIe siècle, 2016.

Contributeur
Jean Le Jeune (1410-1451), évêque de Mâcon, d'Amiens, de Couserans et de Thérouanne, puis cardinal et légat pontifical
Cote
Ms. 0250
Groupe
Abbaye de Saint-Bertin (Saint-Omer)
Cote ancienne
501 (Saint-Bertin)
Période
15e siècle
Date
1436
Date de fin
1436
Catégories
Enluminure
Manuscrit
Collection
Manuscrits
Manuscrits > Abbaye de Saint-Bertin (Saint-Omer)
Informations bibliographiques
Bibliothèque de l’Agglomération du Pays de Saint-Omer
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